Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
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Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
kLeonard payed tribute to leonardcohenfiles.com, and Jarkko in particular, in a lenghty 3 pages interview realized at Saguenay and published in Montreal's La Presse on june 14. Leonard says ( I am translating from french) :
"...I was never convinced about my success because my recording company never consider me as a viable singer.I made discs,that were little promoted.I was not told my discs were selling and I was not paying attention to that.I toured,venues were filled and critics were mostly modest,some very positive but I never had the impression that things were exploding,that people were looking forward to see me.What changed everything was internet.Internet is democratic;it does not depend on journalists or the promotion service of records companies;all that is obsolete today.When I started receiving a lot of fed back from Finland,Iceland,Taiwan,Africa,South America,I suddenly understood that there was a public I never suspected existed.It grew,my work got known and,at a given point in time a Finn,Jarkko Arjatsalo launched the Leonard Cohen Files and became the secretary general of the party.It includes more than 800 web pages,fascinating archives.I understood it was a work of love,I started contributing and we became good friends".
A fitting and well deserved tribute to our administrator and founder !
"...I was never convinced about my success because my recording company never consider me as a viable singer.I made discs,that were little promoted.I was not told my discs were selling and I was not paying attention to that.I toured,venues were filled and critics were mostly modest,some very positive but I never had the impression that things were exploding,that people were looking forward to see me.What changed everything was internet.Internet is democratic;it does not depend on journalists or the promotion service of records companies;all that is obsolete today.When I started receiving a lot of fed back from Finland,Iceland,Taiwan,Africa,South America,I suddenly understood that there was a public I never suspected existed.It grew,my work got known and,at a given point in time a Finn,Jarkko Arjatsalo launched the Leonard Cohen Files and became the secretary general of the party.It includes more than 800 web pages,fascinating archives.I understood it was a work of love,I started contributing and we became good friends".
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montreal 2008; montreal 2012x2
Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
Long live the secretary general!
I love you Jarkko!

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Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
good job Jarkko!
In a dream of Hungarian lanterns
In the mist of some sweet afternoon
In the mist of some sweet afternoon
Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
Hear, Hear! i would not be the fan that I am if it weren't for stumbling upon
the leonard Cohen Files then the forum
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2008 Toronto June 6/ 2009 New York Feb 19 Oakland April 13 14 Coachella April 17 Ottawa May 25 26 Barcelona Sept 21 Las Vegas 11/12 San Jose 11/13
2010 Malmo Aug 4 Gothenburg Aug 12 Las Vegas Dec 10 & 11
2012 Verona 9/24 San Jose 11/7. Montreal 11/28 11/29/ 2013 Oakland 3/2 NYC 4/6
Hamilton 4/9
2010 Malmo Aug 4 Gothenburg Aug 12 Las Vegas Dec 10 & 11
2012 Verona 9/24 San Jose 11/7. Montreal 11/28 11/29/ 2013 Oakland 3/2 NYC 4/6
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Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
You do a great Job on here Jarkko keep it up, without this site I would be struggling to find info on Leonard with this site you can cone on every day and check for updates, read old&new things and learn so much about Leonard, As you know I have been a fan since 1988 and came across this amazing site in 1998, Thank you Jarkko for all your hard work you do a fantastic job, I have not met Leonard yet but I have met you the Len Master 

I have been a Leonard Cohen fan for 28 years feel free to email me if you wish to keep in touch!
Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
Jarkko
Without you I would not be here ,it is great that your trojan work has been recognised keep it up you have a fan here and you are my conduit to insite to the Man himself and also had I not being here I would not have know that Leon was comming to ireland and I was ahead of the posseu
Jarkko
Thank you Millions
G
Without you I would not be here ,it is great that your trojan work has been recognised keep it up you have a fan here and you are my conduit to insite to the Man himself and also had I not being here I would not have know that Leon was comming to ireland and I was ahead of the posseu
Jarkko
Thank you Millions
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There is a crack in every thing thats how the light gets in
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Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
For those who understand french,this is the full lenght interview which Leonard gave to Montreal's newspaper La Presse after his may 30th concert at Saguenay.
In the first post I translated the eleventh paragraph where Jarkko is concerned .
Le 30 mai, 17h. Leonard Cohen retrouve ses six musiciens et trois choristes sur la scène de l'auditorium Dufour du Cégep de Chicoutimi pour une répétition d'une heure et demie. Cohen et son entourage s'y sont rendus en avion privé, mais une bonne partie de l'équipe s'est tapé un voyage en autobus et en bateau de 38 heures depuis le concert précédent, trois jours plus tôt, à St. John's, Terre-Neuve.
Les musiciens n'ont pas revêtu leur costume de scène. Cohen, si. Répétition ou pas, il apparaît en complet cravate, coiffé d'un chapeau qu'il déposera à l'occasion sur son pied de micro. L'élégance faite homme. Il décide des chansons qu'il faut répéter, quelques-unes qu'il chantera en soirée, mais aussi d'autres qu'il intégrera au concert plus tard dans la tournée: The Partisan, Waiting For The Miracle.
>>>Leonard Cohen en photos
Le directeur musical du groupe est le bassiste Roscoe Beck, mais c'est Leonard Cohen qui est le patron. Il constate vite que la salle est sèche et, sur la scène en tout cas, le son est «mort». Maestro Cohen discute avec le sonorisateur Steve Spencer, qui fera un travail remarquable le soir même et le lendemain, et pour en avoir le coeur net, le chanteur va faire un tour dans la salle, le chapeau sur la poitrine. Il fait signe au groupe de continuer à jouer, revient sur scène et dit à son monde que tout est correct: «Ça doit être à cause des deux jours de congé.»
Ce soir-là, Cohen et ses complices donnent un concert fabuleux de plus de deux heures et demie, revisitant toute sa carrière, exception faite de son dernier album Dear Heather. On entend distinctement la voix de Cohen, plus vigoureuse, plus haute qu'il y a 15 ans, on comprend chacun de ses mots et pourtant la musique est omniprésente, palpable, atteignant parfois des sommets de beauté (Who By Fire, Gypsy's Wife). Et, comme au Nouveau-Brunswick, le poète fait presque toutes ses présentations en français, récitant quelques phrases de la chanson qu'il s'apprête à chanter. Il salue continuellement ses musiciens dont la chanteuse Sharon Robinson, sa «collaboratrice» avec qui il a écrit des chansons comme Everybody Knows et In My Secret Life.
Le public saguenéen applaudit à tout rompre, siffle, crie et se lève à tout moment pour acclamer le visiteur qu'il n'attendait pas. «Il fait toutes les grandes capitales, Paris, Londres, Berlin, et ce soir, il chante à Chicoutimi!» me dit mon voisin, un Bleuet d'origine venu exprès de Saint-Hilaire pour entendre Cohen. De la scène, le chanteur entend mal la réaction de la foule. En fin de soirée, il me confiera que pendant l'entracte, il a dit à ses musiciens d'en donner plus, convaincu qu'il était que le public n'embarquait pas. Le lendemain, le sonorisateur aura réglé ce problème et le chanteur pourra goûter pleinement l'accueil délirant. Juste avant la troisième chanson, Ain't No Cure For Love, il dira: «Je ne savais pas que les gens d'ici connaissaient mes chansons; avoir su, je serais venu il y a longtemps.»
Après le premier concert, peu avant minuit, j'ai retrouvé Leonard Cohen dans sa chambre d'hôtel et nous avons discuté pendant un peu plus d'une heure. Je le savais précis - depuis le temps qu'il travaille les mots - mais je ne m'attendais pas à ce qu'il puisse me raconter dans le détail sa première rencontre avec Lou Reed en 1966. Ou qu'il me corrige, moi qui croyais que le spectateur qui lui criait des choses à Wilfrid-Pelletier en 1970, était un contestataire bien de son époque, qui dénonçait l'artiste chantant sur une scène plutôt qu'au milieu du peuple. «Non, c'était un ami ivre, de dire Cohen. Un jour, je te raconterai mes démêlés avec les maoïstes en France.»
Je cède la parole à Leonard Cohen.
LA SCÈNE
La Presse - Ces dernières années, vous aviez toujours l'idée de remonter sur scène un jour?
LEONARD COHEN Oh oui. J'ai toujours eu ça en tête, mais le temps file, surtout quand tu vieillis et que tu as une famille, des petits-enfants. Et puis, j'ai eu des problèmes financiers. Et j'ai vécu au monastère du Centre Zen (de Mount Baldy, près de Los Angeles) pendant cinq ou six ans. Parfois, je me demandais si je ne chanterais plus jamais sur scène. Ce n'était pas tragique, mais pendant que je faisais mon lit ou que je cuisinais j'étais un cuisinier au monastère je me disais «c'est donc ça ma vie, je ne chanterai plus jamais en public, c'est fini». Tant mieux, me disais-je parfois, j'ai toujours trouvé cela difficile, c'est peut-être mieux ainsi.
LP- Pourtant, vous gardez de bons souvenirs de la scène, mais vous avez déjà dit que vous n'aviez pas ce qu'il fallait pour profiter pleinement de votre succès.
LC- Je n'ai jamais été convaincu de mon succès parce quema compagnie de disques ne m'a jamais vu comme un chanteur viable. Je faisais des disques et on n'en faisait pas la promotion. On ne me disait pas que mes disques se vendaient et je ne surveillais pas ça. Je partais en tournée, il y avait des salles combles, et je lisais les critiques, la plupart plutôt modestes, certaines très positives, mais je n'ai jamais eu l'impression que ça explosait, que les gens avaient hâte de me voir. Ce qui a vraiment tout changé, c'est l'Internet. L'Internet est démocratique et il ne dépend pas des journalistes ou du service de promotion de la compagnie de disques, tout cela est obsolète aujourd'hui. Quand j'ai commencé à recevoir beaucoup de feed-back de Finlande, d'Islande, de Taiwan, d'Afrique, d'Amérique du Sud, j'ai compris tout à coup qu'il y avait un public dont je ne soupçonnais pas l'existence. Ça s'est mis à grossir, mon travail s'est fait connaître et, à un moment donné, (le Finlandais) Jarkko Arjatsalo a lancé les Leonard Cohen Files (leonardcohenfiles.com), et il est devenu le secrétaire général du parti. Ce sont plus de 800 pages web (NDLR: environ 1000), des archives fascinantes. C'est un travail d'amour, je l'ai compris, j'ai commencé à y contribuer et nous sommes devenus de bons amis.
LP- Quand La Presse a annoncé votre tournée en janvier, vous nous aviez dit que vous commenceriez dans les Maritimes, «très nerveusement». Comment ça s'est passé?
LC- Merveilleux. Un accueil tellement chaleureux, authentique. Quand tu te lances dans quelque chose que tu n'as pas fait depuis 15 ans, les possibilités d'humiliation sont abondantes (rires). Cohen a une autre très bonne raison de se réjouir.
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Il n'a probablement jamais été accompagné par un groupe de musiciens de cette qualité. Pour la première fois de sa carrière, il veut faire son prochain album avec ses musiciens de scène. Toutes les chansons sont écrites, et il en a déjà enregistrées trois avec eux. «Le son va être très riche», dit-il.
LES ENNUIS FINANCIERS
En 2004, Leonard Cohen s'est rendu compte que son agente Kelley Lynch, à qui il avait signé une procuration, avait dilapidé son fonds de retraite; il lui restait à peine 150 000$ sur les millions qu'il avait accumulés dans son bas de laine. En 2005, il a intenté une poursuite au civil contre Lynch et en 2006, un juge de Los Angeles lui a donné raison, condamnant Lynch à lui verser 9,5 millions. Mais la dame s'est volatilisée et Cohen a peu d'espoir de récupérer son argent un jour.
LP- Si vous vous êtes remis au travail, c'est en partie à cause de vos problèmes financiers?
LC- Oui. Ce n'est pas comme si je ne travaillais pas parce que la vie dans un monastère est extrêmement rigoureuse. Mais je devais reprendre un travail qui m'assure un revenu. En plus, pour remédier à la situation, il a fallu que j'engage des avocats, des comptables, des détectives et c'est devenu très très coûteux. Heureusement, un homme m'a aidé.
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L'homme en question est Robert Kory, un avocat de Los Angeles, qui a déjà été marié à la compagne actuelle de Cohen, la chanteuse Anjani Thomas. Cohen dit qu'il aurait préféré abandonner toute poursuite et avoir la sainte paix. On lui a vite fait comprendre que ce n'était pas si simple. L'impôt lui courait après et il ne pouvait s'en sortir qu'en poursuivant Lynch.
LP- Vous êtes donc reparti à zéro ou presque, et vous semblez bien vous en accommoder?
LC- J'ai toujours vécu comme un étudiant. Je ne dis pas que c'est une vertu, je n'ai tout simplement pas le goût du luxe. J'ai une belle vieille maison à Montréal (qui donne sur le Carré portugais). J'ai une maison en Grèce où vit la mère de mes enfants, je l'ai payée 1500$ (en 1960). Et un duplex à Los Angeles, j'habite au deuxième et ma fille Lorca vit au rez-de-chaussée. Ma maison à Montréal m'a coûté 7000$, en fait j'en ai acheté trois, dont une que j'ai donnée au Centre Zen. En tout, ça m'a coûté 20 000$. Les gens disaient: c'est un taudis Un taudis? De quoi vous parlez? Michel Garneau (NDLR: qui a traduit des recueils de poèmes de Cohen) vivait en face, c'est lui qui nous a attirés là.
MONTRÉAL
LP- ans les années 60, vous êtes allés à New York et vous avez constaté que Montréal, que vous appeliez aussi le Jérusalem du Nord, était plus pur, plus vital que New York où on pense davantage en fonction du marché.
LC- Je le crois encore. Après avoir quitté le monastère (en 1999), je suis revenu à Montréal. J'y passais quatre, cinq ou six mois par année. J'ai décidé de vraiment m'y installer, j'ai commencé à réparer ma maison parce qu'elle tombait un peu en ruine. J'étais à Montréal quand ma fille m'a appelé de Los Angeles pour m'avertir que j'avais perdu mon argent: «Papa, t'es mieux de rentrer, il se passe quelque chose.»
LP- Quand vous n'êtes pas à Montréal, votre maison est inoccupée?
LC- Les gens du Centre Zen s'en occupent. Et mes enfants (Adam et Lorca) y vont souvent, ils adorent. Mes enfants parlent couramment le français. La langue maternelle de Lorca est le français. Donc ils ont un univers complètement différent du mien à Montréal. Moi, je me tiens surtout rue Saint-Dominique avec mes vieux amis.
LP- Vous viviez à Montréal quand est paru l'album Ten New Songs, en 2001. Vous deviez donner des interviews aux quotidiens, mais après le 11 septembre, vous êtes disparu, en Inde paraît-il?
LC- Oui, je n'avais pas le goût de faire de l'autopromotion. J'avais un peu le même feeling que Denys Arcand dans Les invasions barbares. C'était la fin de quelque chose Dans ma chanson The Future (1993), j'avais prédit un genre de catastrophe. Je ne savais pas quelle forme exacte ça prendrait, mais je sentais les choses. Quand le mur de Berlin est tombé, tout le monde s'en réjouissait. Moi, je chantais «Rendez-moi le mur de Berlin, rendez-moi Staline» et tout le monde pensait que c'était fou. Mais je sentais qu'un équilibre essentiel avait été renversé et qu'on aurait beaucoup de problèmes, je ne réalisais pas à quel point, mais je savais. J'ai écrit environ 80 couplets de The Future sur ce thème, je disais: «la démocratie ne viendra pas de l'Europe de l'Est», des choses du genre. Quand le 11 septembre est arrivé, j'ai quitté Montréal, je voulais être tranquille. Je suis parti en Inde quatre mois, puis cinq autres mois sur une période d'un à deux ans. J'ai étudié avec un ami à moi là-bas, un homme âgé, et je voyais souvent mon vieux Roshi (le moine, aujourd'hui centenaire, dont il s'occupait à Mount Baldy).
LP- Vous avez dit dans une interview au début des années 70 que vous vous sentiez parfois comme un étranger dans votre propre ville. Pourquoi?
LC- Il y avait un très fort sentiment d'isolement, comme l'a écrit Hugh McLennan dans son roman Two Solitudes. Trois solitudes, à vrai dire. À Montréal, tout le monde se sentait minoritaire: les francophones parce qu'ils étaient une minorité au Canada, les anglophones parce qu'ils étaient une minorité au Québec et les juifs parce qu'ils étaient une minorité partout (rire saccadé). Trois solitudes, donc. Ça a persisté jusqu'à René Lévesque. Je pense que le Parti québécois a vraiment apporté la conscience du fait français.
LP- Au Canada?
LC- Au Canada, au Québec, et sûrement chez les anglophones de Montréal. Mais la situation n'avait pas toujours été comme ça. Par exemple, mon père était dans le régiment anglophone Royal Montreal pendant la Première Guerre; par contre, mon oncle, lui, était dans un régiment français. Mais cette sensation d'isolement a empiré à un moment donné, je pense. Je n'ai pas de faits précis pour appuyer mes dires, mais quand j'étais garçon, oui, c'était un isolement total.
LP- Dans la biographie qu'il vous a consacrée, Ira Nadel raconte que quand vous avez refusé le prix littéraire du Gouverneur général (pour le recueil Selected Poems, 1968), vous êtes quand même allé à la réception au Château Laurier où Mordecai Richler vous a demandé pourquoi vous l'aviez refusé. Vous avez dit que vous ne le saviez pas et Richler a répliqué que si vous aviez répondu autre chose, il vous aurait foutu son poing au visage.
LC- Oui, c'est tout à fait vrai.
LP- Pourquoi donc, ce refus? À cause du contexte politique de la fin des années 60?
LC- En partie. Je trouvais que la situation n'était vraiment pas comme elle devrait l'être entre les deux peuples fondateurs. Je ne pouvais pas mettre le doigt dessus, je ne peux même pas le faire aujourd'hui, je n'ai pas un esprit politique très développé, mais je sens les choses. Ça ne me tentait pas d'aller à Ottawa, pour une raison quelconque. Aussi et c'était probablement plus important pour moi , je ne voulais pas être récompensé pour ma poésie, je ne voulais pas que le gouvernement me dise que c'est bon. J'étais jeune et profondément anarchiste : c'est privé, c'est personnel, ce sont des poèmes d'amour, je ne veux pas qu'un comité sanctionne mon travail. C'était un peu ridicule et enfantin, mais c'était l'époque...
LP - Mordecai Richler avait d'autres convictions.
LC - Très différentes, oui, plus ouvertement politiques, et auxquelles il est resté fidèle jusqu'à la fin. J'ai une vision complètement différente du Québec et du Canada.
LES CHANSONS
On a dit de Leonard Cohen qu'il était le chantre de la mélancolie, de la dépression. Cohen s'amuse «la plupart du temps» de cette réaction, un peu courte sinon carrément exagérée. C'est faire abstraction du réconfort que trouvent ses fans dans la beauté de ses textes et de ses mélodies. Et oublier que l'artiste a un sens de l'humour indéniable.
LP- L'humour, c'est important pour vous?
LC- J'aime me faire sourire...
LP- Mais vous insistez beaucoup sur l'importance du sérieux.
LC- Le sérieux est une sorte de plaisir voluptueux. Nous avons un véritable appétit pour le sérieux. Rire du ventre, c'est merveilleux, mais échanger avec quelqu'un quand cette personne te parle vraiment, c'est un moment sérieux. C'est ce que j'ai adoré de l'interview de Dylan avec Scorsese, il est très sérieux. Il ne cherche pas à faire rire, il ne veut pas distraire, si tu veux lui parler, tu dois parler à l'homme sérieux. Et c'est nourrissant, ça fait du bien. Parce que dans notre for intérieur, nous sommes très sérieux, ceux d'entre nous qui ont la chance de ne pas être bombardés, de ne pas souffrir de la peste, de la famine ou de la guerre, ceux d'entre nous qui sont assez chanceux pour avoir le luxe de cette conversation. En-dedans, nous luttons pour notre santé mentale, notre estime de soi, notre dignité, et dans ces moments-là, on s'adresse à notre véritable nature.
LP- Écrire, pour vous, c'est d'abord du travail plutôt que l'inspiration, l'illumination. Je me souviens de vous avoir entendu raconter une conversation avec Dylan qui avait écrit une chanson en un rien de temps, alors que ça vous prenait une éternité
LC- Dans les années 80, Dylan a donné un concert à Paris et on s'est vus le lendemain dans un petit café du 14e. À cette époque, il chantait Hallelujah, extraite de mon album que Columbia ne voulait pas sortir (Various Positions, 1984). Il y avait là-dessus Dance Me To The End of Love, Hallelujah, If It Be Your Will, et ils ne trouvaient pas ça assez bon. Finalement, c'est une petite compagnie de jazz qui l'a sorti aux États- Unis. Bref, Dylan a entendu Hallelujah et il a été le premier à la chanter (avant Jeff Buckley, John Cale, Rufus Wainwright et autres U2). J'aimais beaucoup sa chanson I and I et je lui demande en combien de temps il l'a écrite. «Quinze minutes!» Il me dit: «Et toi, Hallelujah, ça t'a pris combien de temps?» J'ai dit: une année ou deux; en fait, ça m'a pris quatre ans, j'ai plusieurs couplets inédits de Hallelujah. J'ai toujours dit qu'il y a deux écoles d'écriture, j'aimerais bien être de l'école de Dylan
LP- Vous croyez vraiment que ça lui a pris 15 minutes?
LC- Hank Williams a bien écrit Your Cheatin' Heart en 20 minutes... Et puis, ça m'est arrivé une fois, donc je le crois.
LP- Pour quelle chanson?
LC- Sisters of Mercy.
LP- À propos des deux filles à qui vous aviez offert le gîte par une nuit froide à Edmonton?
LC- Oui, elles étaient couchées et ce n'était pas du tout une situation érotique, personne ne m'a invité au lit. J'étais assis dans un fauteuil, comme maintenant. C'était une nuit de pleine lune au coeur de l'hiver et c'était vraiment très beau dehors, avec la lune qui brillait sur la rivière Saskatchewan gelée. Je n'étais pas fatigué et la chanson est venue à moi. Donc je sais que ça peut arriver, mais ça ne m'est jamais arrivé avant ou après. Habituellement, c'est un mot à la fois et beaucoup de sueur.
LP- Parce qu'on vous a d'abord connu comme poète puis romancier, on insiste beaucoup sur l'importance de vos textes, mais on parle moins de vos musiques. Le critique new-yorkais Robert Christgau a déjà dit que ce sont vos mélodies qui font le succès de vos chansons.
LC- En fait, j'ai fait de la musique avec les Buckskin Boys avant dememettre à écrire. Et j'ai toujours joué de la guitare Tu connais Harry Smith? Il a fait plusieurs enregistrements de musique folk. Il vivait à New York, il était le seul gars que son psychiatre payait pour qu'il vienne le consulter! Il était intéressant à ce point. Il a été un père spirituel pour (le poète beat) Allen Ginsberg et il a influencé plusieurs cinéastes avec sa caméra qui tournait à une vitesse entre le temps réel et le ralenti. On buvait au même bar, attenant au Chelsea Hotel, et c'est le seul gars qui m'a dit: «Leonard, les gens parlent de tes textes, mais tes mélodies sont vraiment bonnes.»
COHEN EN BREF
> Né à Montréal le 21 septembre 1934.
> Onze albums studio.
> Dix recueils de poèmes et deux romans.
> Huit concerts à Montréal, de 1967 (Expo 67) à 1993 (Théâtre du Forum).
> Il existe 1477 versions de ses chansons en date du 11 mai dernier, selon leonardcohenfiles.com.
> Il a fait des études littéraires et un semestre en droit, à McGill.
> Il devient chanteur à 32 ans, même s'il avait déjà joué avec le trio country The Buckskin Boys pendant ses études.
> Le film Ladies and Gentlemen Mr. Leonard Cohen, produit par l'O.N.F en 1965, est disponible sur DVD, tout comme le concert-hommage Leonard Cohen I'm Your Man (2006) et un documentaire critique fort intéressant, Leonard Cohen - Under Review 1934-1977.
> On ne saurait trop vous recommander le Livre du constant désir, la traduction remarquable du plus récent recueil de poèmes de Cohen (Book of Longing) par Michel Garneau.
In the first post I translated the eleventh paragraph where Jarkko is concerned .
Le 30 mai, 17h. Leonard Cohen retrouve ses six musiciens et trois choristes sur la scène de l'auditorium Dufour du Cégep de Chicoutimi pour une répétition d'une heure et demie. Cohen et son entourage s'y sont rendus en avion privé, mais une bonne partie de l'équipe s'est tapé un voyage en autobus et en bateau de 38 heures depuis le concert précédent, trois jours plus tôt, à St. John's, Terre-Neuve.
Les musiciens n'ont pas revêtu leur costume de scène. Cohen, si. Répétition ou pas, il apparaît en complet cravate, coiffé d'un chapeau qu'il déposera à l'occasion sur son pied de micro. L'élégance faite homme. Il décide des chansons qu'il faut répéter, quelques-unes qu'il chantera en soirée, mais aussi d'autres qu'il intégrera au concert plus tard dans la tournée: The Partisan, Waiting For The Miracle.
>>>Leonard Cohen en photos
Le directeur musical du groupe est le bassiste Roscoe Beck, mais c'est Leonard Cohen qui est le patron. Il constate vite que la salle est sèche et, sur la scène en tout cas, le son est «mort». Maestro Cohen discute avec le sonorisateur Steve Spencer, qui fera un travail remarquable le soir même et le lendemain, et pour en avoir le coeur net, le chanteur va faire un tour dans la salle, le chapeau sur la poitrine. Il fait signe au groupe de continuer à jouer, revient sur scène et dit à son monde que tout est correct: «Ça doit être à cause des deux jours de congé.»
Ce soir-là, Cohen et ses complices donnent un concert fabuleux de plus de deux heures et demie, revisitant toute sa carrière, exception faite de son dernier album Dear Heather. On entend distinctement la voix de Cohen, plus vigoureuse, plus haute qu'il y a 15 ans, on comprend chacun de ses mots et pourtant la musique est omniprésente, palpable, atteignant parfois des sommets de beauté (Who By Fire, Gypsy's Wife). Et, comme au Nouveau-Brunswick, le poète fait presque toutes ses présentations en français, récitant quelques phrases de la chanson qu'il s'apprête à chanter. Il salue continuellement ses musiciens dont la chanteuse Sharon Robinson, sa «collaboratrice» avec qui il a écrit des chansons comme Everybody Knows et In My Secret Life.
Le public saguenéen applaudit à tout rompre, siffle, crie et se lève à tout moment pour acclamer le visiteur qu'il n'attendait pas. «Il fait toutes les grandes capitales, Paris, Londres, Berlin, et ce soir, il chante à Chicoutimi!» me dit mon voisin, un Bleuet d'origine venu exprès de Saint-Hilaire pour entendre Cohen. De la scène, le chanteur entend mal la réaction de la foule. En fin de soirée, il me confiera que pendant l'entracte, il a dit à ses musiciens d'en donner plus, convaincu qu'il était que le public n'embarquait pas. Le lendemain, le sonorisateur aura réglé ce problème et le chanteur pourra goûter pleinement l'accueil délirant. Juste avant la troisième chanson, Ain't No Cure For Love, il dira: «Je ne savais pas que les gens d'ici connaissaient mes chansons; avoir su, je serais venu il y a longtemps.»
Après le premier concert, peu avant minuit, j'ai retrouvé Leonard Cohen dans sa chambre d'hôtel et nous avons discuté pendant un peu plus d'une heure. Je le savais précis - depuis le temps qu'il travaille les mots - mais je ne m'attendais pas à ce qu'il puisse me raconter dans le détail sa première rencontre avec Lou Reed en 1966. Ou qu'il me corrige, moi qui croyais que le spectateur qui lui criait des choses à Wilfrid-Pelletier en 1970, était un contestataire bien de son époque, qui dénonçait l'artiste chantant sur une scène plutôt qu'au milieu du peuple. «Non, c'était un ami ivre, de dire Cohen. Un jour, je te raconterai mes démêlés avec les maoïstes en France.»
Je cède la parole à Leonard Cohen.
LA SCÈNE
La Presse - Ces dernières années, vous aviez toujours l'idée de remonter sur scène un jour?
LEONARD COHEN Oh oui. J'ai toujours eu ça en tête, mais le temps file, surtout quand tu vieillis et que tu as une famille, des petits-enfants. Et puis, j'ai eu des problèmes financiers. Et j'ai vécu au monastère du Centre Zen (de Mount Baldy, près de Los Angeles) pendant cinq ou six ans. Parfois, je me demandais si je ne chanterais plus jamais sur scène. Ce n'était pas tragique, mais pendant que je faisais mon lit ou que je cuisinais j'étais un cuisinier au monastère je me disais «c'est donc ça ma vie, je ne chanterai plus jamais en public, c'est fini». Tant mieux, me disais-je parfois, j'ai toujours trouvé cela difficile, c'est peut-être mieux ainsi.
LP- Pourtant, vous gardez de bons souvenirs de la scène, mais vous avez déjà dit que vous n'aviez pas ce qu'il fallait pour profiter pleinement de votre succès.
LC- Je n'ai jamais été convaincu de mon succès parce quema compagnie de disques ne m'a jamais vu comme un chanteur viable. Je faisais des disques et on n'en faisait pas la promotion. On ne me disait pas que mes disques se vendaient et je ne surveillais pas ça. Je partais en tournée, il y avait des salles combles, et je lisais les critiques, la plupart plutôt modestes, certaines très positives, mais je n'ai jamais eu l'impression que ça explosait, que les gens avaient hâte de me voir. Ce qui a vraiment tout changé, c'est l'Internet. L'Internet est démocratique et il ne dépend pas des journalistes ou du service de promotion de la compagnie de disques, tout cela est obsolète aujourd'hui. Quand j'ai commencé à recevoir beaucoup de feed-back de Finlande, d'Islande, de Taiwan, d'Afrique, d'Amérique du Sud, j'ai compris tout à coup qu'il y avait un public dont je ne soupçonnais pas l'existence. Ça s'est mis à grossir, mon travail s'est fait connaître et, à un moment donné, (le Finlandais) Jarkko Arjatsalo a lancé les Leonard Cohen Files (leonardcohenfiles.com), et il est devenu le secrétaire général du parti. Ce sont plus de 800 pages web (NDLR: environ 1000), des archives fascinantes. C'est un travail d'amour, je l'ai compris, j'ai commencé à y contribuer et nous sommes devenus de bons amis.
LP- Quand La Presse a annoncé votre tournée en janvier, vous nous aviez dit que vous commenceriez dans les Maritimes, «très nerveusement». Comment ça s'est passé?
LC- Merveilleux. Un accueil tellement chaleureux, authentique. Quand tu te lances dans quelque chose que tu n'as pas fait depuis 15 ans, les possibilités d'humiliation sont abondantes (rires). Cohen a une autre très bonne raison de se réjouir.
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Il n'a probablement jamais été accompagné par un groupe de musiciens de cette qualité. Pour la première fois de sa carrière, il veut faire son prochain album avec ses musiciens de scène. Toutes les chansons sont écrites, et il en a déjà enregistrées trois avec eux. «Le son va être très riche», dit-il.
LES ENNUIS FINANCIERS
En 2004, Leonard Cohen s'est rendu compte que son agente Kelley Lynch, à qui il avait signé une procuration, avait dilapidé son fonds de retraite; il lui restait à peine 150 000$ sur les millions qu'il avait accumulés dans son bas de laine. En 2005, il a intenté une poursuite au civil contre Lynch et en 2006, un juge de Los Angeles lui a donné raison, condamnant Lynch à lui verser 9,5 millions. Mais la dame s'est volatilisée et Cohen a peu d'espoir de récupérer son argent un jour.
LP- Si vous vous êtes remis au travail, c'est en partie à cause de vos problèmes financiers?
LC- Oui. Ce n'est pas comme si je ne travaillais pas parce que la vie dans un monastère est extrêmement rigoureuse. Mais je devais reprendre un travail qui m'assure un revenu. En plus, pour remédier à la situation, il a fallu que j'engage des avocats, des comptables, des détectives et c'est devenu très très coûteux. Heureusement, un homme m'a aidé.
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L'homme en question est Robert Kory, un avocat de Los Angeles, qui a déjà été marié à la compagne actuelle de Cohen, la chanteuse Anjani Thomas. Cohen dit qu'il aurait préféré abandonner toute poursuite et avoir la sainte paix. On lui a vite fait comprendre que ce n'était pas si simple. L'impôt lui courait après et il ne pouvait s'en sortir qu'en poursuivant Lynch.
LP- Vous êtes donc reparti à zéro ou presque, et vous semblez bien vous en accommoder?
LC- J'ai toujours vécu comme un étudiant. Je ne dis pas que c'est une vertu, je n'ai tout simplement pas le goût du luxe. J'ai une belle vieille maison à Montréal (qui donne sur le Carré portugais). J'ai une maison en Grèce où vit la mère de mes enfants, je l'ai payée 1500$ (en 1960). Et un duplex à Los Angeles, j'habite au deuxième et ma fille Lorca vit au rez-de-chaussée. Ma maison à Montréal m'a coûté 7000$, en fait j'en ai acheté trois, dont une que j'ai donnée au Centre Zen. En tout, ça m'a coûté 20 000$. Les gens disaient: c'est un taudis Un taudis? De quoi vous parlez? Michel Garneau (NDLR: qui a traduit des recueils de poèmes de Cohen) vivait en face, c'est lui qui nous a attirés là.
MONTRÉAL
LP- ans les années 60, vous êtes allés à New York et vous avez constaté que Montréal, que vous appeliez aussi le Jérusalem du Nord, était plus pur, plus vital que New York où on pense davantage en fonction du marché.
LC- Je le crois encore. Après avoir quitté le monastère (en 1999), je suis revenu à Montréal. J'y passais quatre, cinq ou six mois par année. J'ai décidé de vraiment m'y installer, j'ai commencé à réparer ma maison parce qu'elle tombait un peu en ruine. J'étais à Montréal quand ma fille m'a appelé de Los Angeles pour m'avertir que j'avais perdu mon argent: «Papa, t'es mieux de rentrer, il se passe quelque chose.»
LP- Quand vous n'êtes pas à Montréal, votre maison est inoccupée?
LC- Les gens du Centre Zen s'en occupent. Et mes enfants (Adam et Lorca) y vont souvent, ils adorent. Mes enfants parlent couramment le français. La langue maternelle de Lorca est le français. Donc ils ont un univers complètement différent du mien à Montréal. Moi, je me tiens surtout rue Saint-Dominique avec mes vieux amis.
LP- Vous viviez à Montréal quand est paru l'album Ten New Songs, en 2001. Vous deviez donner des interviews aux quotidiens, mais après le 11 septembre, vous êtes disparu, en Inde paraît-il?
LC- Oui, je n'avais pas le goût de faire de l'autopromotion. J'avais un peu le même feeling que Denys Arcand dans Les invasions barbares. C'était la fin de quelque chose Dans ma chanson The Future (1993), j'avais prédit un genre de catastrophe. Je ne savais pas quelle forme exacte ça prendrait, mais je sentais les choses. Quand le mur de Berlin est tombé, tout le monde s'en réjouissait. Moi, je chantais «Rendez-moi le mur de Berlin, rendez-moi Staline» et tout le monde pensait que c'était fou. Mais je sentais qu'un équilibre essentiel avait été renversé et qu'on aurait beaucoup de problèmes, je ne réalisais pas à quel point, mais je savais. J'ai écrit environ 80 couplets de The Future sur ce thème, je disais: «la démocratie ne viendra pas de l'Europe de l'Est», des choses du genre. Quand le 11 septembre est arrivé, j'ai quitté Montréal, je voulais être tranquille. Je suis parti en Inde quatre mois, puis cinq autres mois sur une période d'un à deux ans. J'ai étudié avec un ami à moi là-bas, un homme âgé, et je voyais souvent mon vieux Roshi (le moine, aujourd'hui centenaire, dont il s'occupait à Mount Baldy).
LP- Vous avez dit dans une interview au début des années 70 que vous vous sentiez parfois comme un étranger dans votre propre ville. Pourquoi?
LC- Il y avait un très fort sentiment d'isolement, comme l'a écrit Hugh McLennan dans son roman Two Solitudes. Trois solitudes, à vrai dire. À Montréal, tout le monde se sentait minoritaire: les francophones parce qu'ils étaient une minorité au Canada, les anglophones parce qu'ils étaient une minorité au Québec et les juifs parce qu'ils étaient une minorité partout (rire saccadé). Trois solitudes, donc. Ça a persisté jusqu'à René Lévesque. Je pense que le Parti québécois a vraiment apporté la conscience du fait français.
LP- Au Canada?
LC- Au Canada, au Québec, et sûrement chez les anglophones de Montréal. Mais la situation n'avait pas toujours été comme ça. Par exemple, mon père était dans le régiment anglophone Royal Montreal pendant la Première Guerre; par contre, mon oncle, lui, était dans un régiment français. Mais cette sensation d'isolement a empiré à un moment donné, je pense. Je n'ai pas de faits précis pour appuyer mes dires, mais quand j'étais garçon, oui, c'était un isolement total.
LP- Dans la biographie qu'il vous a consacrée, Ira Nadel raconte que quand vous avez refusé le prix littéraire du Gouverneur général (pour le recueil Selected Poems, 1968), vous êtes quand même allé à la réception au Château Laurier où Mordecai Richler vous a demandé pourquoi vous l'aviez refusé. Vous avez dit que vous ne le saviez pas et Richler a répliqué que si vous aviez répondu autre chose, il vous aurait foutu son poing au visage.
LC- Oui, c'est tout à fait vrai.
LP- Pourquoi donc, ce refus? À cause du contexte politique de la fin des années 60?
LC- En partie. Je trouvais que la situation n'était vraiment pas comme elle devrait l'être entre les deux peuples fondateurs. Je ne pouvais pas mettre le doigt dessus, je ne peux même pas le faire aujourd'hui, je n'ai pas un esprit politique très développé, mais je sens les choses. Ça ne me tentait pas d'aller à Ottawa, pour une raison quelconque. Aussi et c'était probablement plus important pour moi , je ne voulais pas être récompensé pour ma poésie, je ne voulais pas que le gouvernement me dise que c'est bon. J'étais jeune et profondément anarchiste : c'est privé, c'est personnel, ce sont des poèmes d'amour, je ne veux pas qu'un comité sanctionne mon travail. C'était un peu ridicule et enfantin, mais c'était l'époque...
LP - Mordecai Richler avait d'autres convictions.
LC - Très différentes, oui, plus ouvertement politiques, et auxquelles il est resté fidèle jusqu'à la fin. J'ai une vision complètement différente du Québec et du Canada.
LES CHANSONS
On a dit de Leonard Cohen qu'il était le chantre de la mélancolie, de la dépression. Cohen s'amuse «la plupart du temps» de cette réaction, un peu courte sinon carrément exagérée. C'est faire abstraction du réconfort que trouvent ses fans dans la beauté de ses textes et de ses mélodies. Et oublier que l'artiste a un sens de l'humour indéniable.
LP- L'humour, c'est important pour vous?
LC- J'aime me faire sourire...
LP- Mais vous insistez beaucoup sur l'importance du sérieux.
LC- Le sérieux est une sorte de plaisir voluptueux. Nous avons un véritable appétit pour le sérieux. Rire du ventre, c'est merveilleux, mais échanger avec quelqu'un quand cette personne te parle vraiment, c'est un moment sérieux. C'est ce que j'ai adoré de l'interview de Dylan avec Scorsese, il est très sérieux. Il ne cherche pas à faire rire, il ne veut pas distraire, si tu veux lui parler, tu dois parler à l'homme sérieux. Et c'est nourrissant, ça fait du bien. Parce que dans notre for intérieur, nous sommes très sérieux, ceux d'entre nous qui ont la chance de ne pas être bombardés, de ne pas souffrir de la peste, de la famine ou de la guerre, ceux d'entre nous qui sont assez chanceux pour avoir le luxe de cette conversation. En-dedans, nous luttons pour notre santé mentale, notre estime de soi, notre dignité, et dans ces moments-là, on s'adresse à notre véritable nature.
LP- Écrire, pour vous, c'est d'abord du travail plutôt que l'inspiration, l'illumination. Je me souviens de vous avoir entendu raconter une conversation avec Dylan qui avait écrit une chanson en un rien de temps, alors que ça vous prenait une éternité
LC- Dans les années 80, Dylan a donné un concert à Paris et on s'est vus le lendemain dans un petit café du 14e. À cette époque, il chantait Hallelujah, extraite de mon album que Columbia ne voulait pas sortir (Various Positions, 1984). Il y avait là-dessus Dance Me To The End of Love, Hallelujah, If It Be Your Will, et ils ne trouvaient pas ça assez bon. Finalement, c'est une petite compagnie de jazz qui l'a sorti aux États- Unis. Bref, Dylan a entendu Hallelujah et il a été le premier à la chanter (avant Jeff Buckley, John Cale, Rufus Wainwright et autres U2). J'aimais beaucoup sa chanson I and I et je lui demande en combien de temps il l'a écrite. «Quinze minutes!» Il me dit: «Et toi, Hallelujah, ça t'a pris combien de temps?» J'ai dit: une année ou deux; en fait, ça m'a pris quatre ans, j'ai plusieurs couplets inédits de Hallelujah. J'ai toujours dit qu'il y a deux écoles d'écriture, j'aimerais bien être de l'école de Dylan
LP- Vous croyez vraiment que ça lui a pris 15 minutes?
LC- Hank Williams a bien écrit Your Cheatin' Heart en 20 minutes... Et puis, ça m'est arrivé une fois, donc je le crois.
LP- Pour quelle chanson?
LC- Sisters of Mercy.
LP- À propos des deux filles à qui vous aviez offert le gîte par une nuit froide à Edmonton?
LC- Oui, elles étaient couchées et ce n'était pas du tout une situation érotique, personne ne m'a invité au lit. J'étais assis dans un fauteuil, comme maintenant. C'était une nuit de pleine lune au coeur de l'hiver et c'était vraiment très beau dehors, avec la lune qui brillait sur la rivière Saskatchewan gelée. Je n'étais pas fatigué et la chanson est venue à moi. Donc je sais que ça peut arriver, mais ça ne m'est jamais arrivé avant ou après. Habituellement, c'est un mot à la fois et beaucoup de sueur.
LP- Parce qu'on vous a d'abord connu comme poète puis romancier, on insiste beaucoup sur l'importance de vos textes, mais on parle moins de vos musiques. Le critique new-yorkais Robert Christgau a déjà dit que ce sont vos mélodies qui font le succès de vos chansons.
LC- En fait, j'ai fait de la musique avec les Buckskin Boys avant dememettre à écrire. Et j'ai toujours joué de la guitare Tu connais Harry Smith? Il a fait plusieurs enregistrements de musique folk. Il vivait à New York, il était le seul gars que son psychiatre payait pour qu'il vienne le consulter! Il était intéressant à ce point. Il a été un père spirituel pour (le poète beat) Allen Ginsberg et il a influencé plusieurs cinéastes avec sa caméra qui tournait à une vitesse entre le temps réel et le ralenti. On buvait au même bar, attenant au Chelsea Hotel, et c'est le seul gars qui m'a dit: «Leonard, les gens parlent de tes textes, mais tes mélodies sont vraiment bonnes.»
COHEN EN BREF
> Né à Montréal le 21 septembre 1934.
> Onze albums studio.
> Dix recueils de poèmes et deux romans.
> Huit concerts à Montréal, de 1967 (Expo 67) à 1993 (Théâtre du Forum).
> Il existe 1477 versions de ses chansons en date du 11 mai dernier, selon leonardcohenfiles.com.
> Il a fait des études littéraires et un semestre en droit, à McGill.
> Il devient chanteur à 32 ans, même s'il avait déjà joué avec le trio country The Buckskin Boys pendant ses études.
> Le film Ladies and Gentlemen Mr. Leonard Cohen, produit par l'O.N.F en 1965, est disponible sur DVD, tout comme le concert-hommage Leonard Cohen I'm Your Man (2006) et un documentaire critique fort intéressant, Leonard Cohen - Under Review 1934-1977.
> On ne saurait trop vous recommander le Livre du constant désir, la traduction remarquable du plus récent recueil de poèmes de Cohen (Book of Longing) par Michel Garneau.
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Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
Completely deserved praise, I haven't been on here for very long but the hard work, care and hospitality make it a good place to visit, and the threads are full of insight and great reading.
Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
I have talked to that guy Jarkko and I think he is really nice. He's a bit rude occasionly by deleting my messages on the forum. His deputies, the terrible TimTom twins, aren't any better. But overall this is a nice place to hang out and so finally a big "Thank you" from my side as well.
IT'S DARKER NOW
1979: Frankfurt | 1980: Frankfurt | 1985: Wiesbaden - Munich | 1988: Munich - Nuremberg | 1993: Frankfurt
2008: Dublin - Manchester - Amsterdam - Loerrach - Berlin - Frankfurt - Oberhausen - London
2009: Cologne - Barcelona | 2010: Wiesbaden - Dortmund
2012: Ghent - Moenchengladbach - Verona - Lisbon | 2013: Oberhausen - Mannheim - Pula
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Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
I was thinking yesterday while listening to it, that if there is one place during this tour where he should sing The Partisan, that's in Lyon. Now I see that it might well happen...VELOVERMONT wrote:For those who understand french,this is the full lenght interview which Leonard gave to Montreal's newspaper La Presse after his may 30th concert at Saguenay.
[...] Il décide des chansons qu'il faut répéter, quelques-unes qu'il chantera en soirée, mais aussi d'autres qu'il intégrera au concert plus tard dans la tournée: The Partisan, Waiting For The Miracle.
[...]
Thank you for the article!
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Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
Hope it turns out so for you ! As far as tomorrow's concert in Montreal, Leonard should start with Suzanne since that song has so much to do with this city.Chubi wrote:I was thinking yesterday while listening to it, that if there is one place during this tour where he should sing The Partisan, that's in Lyon. Now I see that it might well happen...
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Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
Simple words cannot express my gratitude to Jarkko for what he provides here. My chances of attending one of Leonard's concerts are rather slim (unless the tour extends toward the Southern Hemisphere), but thanks to The Leonard Cohen Files I can still feel almost as much a part of the tour as any fan.
Leonard feels the love, apparently. I only hope it prompts him to postpone retirement so that we may continue to be delighted by his unique contributions to the world.
Without Leonard, there'd be no Jarkko (as we know him), but it also seems that without Jarkko there might have been no more Leonard.
Leonard feels the love, apparently. I only hope it prompts him to postpone retirement so that we may continue to be delighted by his unique contributions to the world.
Without Leonard, there'd be no Jarkko (as we know him), but it also seems that without Jarkko there might have been no more Leonard.
Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
Very nice indeed to see this evidence of Leonard's recognition of Jarrko's place in the scheme of things.
One thing intrigues above all else - does LC's reference to "contributing" mean that he actually posted or supplied material for this site (and if so, under his own name?). And if the answer's yes, are they still here and does anyone know where we can find them?
One thing intrigues above all else - does LC's reference to "contributing" mean that he actually posted or supplied material for this site (and if so, under his own name?). And if the answer's yes, are they still here and does anyone know where we can find them?

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Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
I will try to get in touch with the interviewer and will come back with any information I can gatherJeremy wrote:Very nice indeed to see this evidence of Leonard's recognition of Jarrko's place in the scheme of things.
One thing intrigues above all else - does LC's reference to "contributing" mean that he actually posted or supplied material for this site (and if so, under his own name?). And if the answer's yes, are they still here and does anyone know where we can find them?
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Re: Leonard Cohen pays tribute to Jarkko
Jeremy - EVERY item in the "Blackening Pages" section of The Leonard Cohen Files has been sent in by Leonard himself (and a lot of information also in the other sections of The Files). He started to contribute in January 1997 (The websiteb was launched in September 1995). Many of these drawings etc. were later printed in Book of Longing. We also have the original poem "1000 Kisses" there.
Direct link to The Blackening Pages: http://www.leonardcohenfiles.com/mirror.html
Note that "this website" at which you are reading this, is "just" the forum of The Files - the main site has nowadays more than 1000 pages.
Needless to say, I'm very touched by Leonard's words. The years as the webmaster of The Files have been busy but also very rewarding. Let's keep things going!
Direct link to The Blackening Pages: http://www.leonardcohenfiles.com/mirror.html
Note that "this website" at which you are reading this, is "just" the forum of The Files - the main site has nowadays more than 1000 pages.
Needless to say, I'm very touched by Leonard's words. The years as the webmaster of The Files have been busy but also very rewarding. Let's keep things going!